Notre Affaire à Tous et autres c. France (2021)

Le 14 mars 2019, Notre Affaire à Tous et trois autres associations assignent l’État français en justice pour inaction climatique. Elles déposent un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris. Les associations souhaitent faire reconnaître la carence fautive de l’État en matière climatique.

Les requérants cherchent à démontrer qu’il existe une obligation générale de lutte contre le changement climatique. Elle se fonderait sur la Charte de l’environnement, les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et les obligations positives qu’elle impose aux États pour protéger les droits consacrés ainsi qu’un principe général du droit, celui de vivre dans un système climatique soutenable. L’argumentaire est soutenu par la décision du Conseil Constitutionnel de 2011 qui reconnaît une « obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement ». Les associations considèrent que l’État a violé cette obligation générale en ce que les mesures prises pour lutter contre le changement climatique sont insuffisantes, notamment en raison du dépassement de 4% des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés par la stratégie nationale bas-carbone de 2015-2018. De plus, les associations appellent à ce que soit reconnu leur préjudice moral mais aussi écologique fondé sur l’article 1246 du Code de l’environnement et demandent sa réparation en enjoignant à l’État d’agir. Elles soutiennent que la responsabilité de l’État serait engagée en raison de ses carences. 

Le tribunal administratif de Paris, le 3 février 2021, a accepté de reconnaître la faute de l’État. Le tribunal reconnaît également l’existence d’un préjudice écologique. 

Au regard de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris auxquels la France est partie, des décisions de l’Union Européenne adhérant à ladite convention et à l’Accord de Paris mais aussi de l’article 3 de la Charte de l’environnement, l’article L.100-1 du Code de l’énergie et L.221-1 B du Code de l’environnement, il considère que l’État français a reconnu une obligation générale de lutte contre le changement climatique. En raison de cela l’État s’est engagé à atteindre un « certain nombre d’objectifs dans ce domaine ». 

Le tribunal considère que, en n’ayant pas respecté le premier budget carbone 2015-2018, l’État a participé à l’aggravation du préjudice écologique invoqué. 

S’agissant du préjudice écologique, le juge rejette la demande de réparation à hauteur d’un euro. Le tribunal rappelle que sa réparation doit se faire prioritairement en nature selon l’article 1249 du Code civil et estime que les requérants n’ont pas démontré que l’État serait dans l’impossibilité de réparer en nature le préjudice écologique. De ce point de vue, le tribunal juge que l’état de l’instruction ne lui permet pas de déterminer les mesures à ordonner à l’État et ordonne un supplément d’instruction. La décision est ici avant-dire droit. Le juge pourra, dans un deuxième temps, statuer sur les conclusions des quatre requêtes tendant à ce que le tribunal enjoigne à l’État, afin de faire cesser pour l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté, de prendre toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En revanche, la demande de réparation du préjudice moral est, elle, acceptée.

Romane Noubel