14 collectivités territoriales et 5 associations ont engagé une action en justice contre l’entreprise Total, le 28 janvier 2020, devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Elles assignent l’entreprise en justice en raison de l’insuffisance de ses engagements climatiques et de leur inéquation avec l’Accord de Paris et demandent qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures nécessaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Les requérants fondent leur action sur la loi relative au devoir de vigilance de 2017 insérant dans le Code de commerce l’article L. 225-102-4.-I. Cette loi oblige les grandes entreprises à mettre en place un plan de vigilance pour identifier les risques et les atteintes graves aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité et à l’environnement résultant des activités de l’entreprise ou ses filiales.
Ils demandent à ce que le plan de vigilance précise les mesures permettant de réduire les émissions de GES dérivant de la production d’hydrocarbures. Ils considèrent que la partie du plan portant sur la cartographie des risques est incomplète, l’entreprise ne présentant pas une réelle cartographie mais seulement une liste. De plus, ils estiment que l’entreprise y limite l’identification précise des risques et leur gravité en considérant que le « changement climatique est un risque global pour la planète qui est le résultat d’actions humaines diverses dont la production et la consommation d’énergie » d’après son plan de vigilance, sans préciser sa contribution majeure aux émissions mondiales de GES. Les requérants estiment aussi que les actions planifiées pour prévenir les atteintes graves découlant des risques ne sont pas conformes aux exigences légales car insuffisantes pour répondre à l’objectif de l’Accord de Paris, soit une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C. Ils soutiennent aussi l’insuffisance du périmètre matériel choisi par l’entreprise qui écarte la prise en considération des émissions indirectes dites du scope 3, alors qu’elles constituent 90% de leurs émissions.
Pour prévenir le préjudice écologique, les requérants se fondent sur l’article 1252 du Code civil pour demander au juge d’enjoindre l’entreprise à prendre des mesures visant à réduire ses émissions de GES en ligne avec la trajectoire de l’Accord de Paris.
Dans une ordonnance rendue le 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’entreprise qui souhaitait porter le litige devant le tribunal de commerce. Le juge de mise en état considère que les associations et collectivités disposent, en raison de leur qualité de non-commerçant et car elles ne mettent pas un œuvre un intérêt de nature commercial mais « la part de l’intérêt général qu’elles représentent », d’un droit d’option entre les tribunaux. Il ajoute aussi que les dispositions du Code de commerce sur le devoir de vigilance « commandent un contrôle judiciaire ».
Romane Noubel