Le 23 octobre 2019, l’association Nos amis de la terre, Survie et quatre ONG ougandaises assignent Total en référé devant le tribunal judiciaire de Nanterre à la suite d’une mise en demeure effectuée le 23 juin précédent. Elles demandent au juge d’obliger Total à se conformer à ses obligations découlant de la loi du 23 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Elles considèrent que les activités de Total en Ouganda et en Tanzanie mettent en danger les droits humains et l’environnement, ce qui viole ses obligations.
Les requérantes se fondent sur la loi sur le devoir de vigilance. Cette loi oblige les entreprises à mettre en place de manière effective un plan de vigilance pour prévenir les risques et les atteintes aux droits humains et libertés fondamentales ainsi qu’à la santé et à l’environnement. Les associations estiment que les risques causés par les activités de la société mais aussi de ses filiales et sous-traitants ne sont pas identifiés ou insuffisamment identifiés dans le projet Tilenga et EACOP. Ils considèrent aussi que la mise en œuvre des mesures de vigilance manque d’effectivité.
La société Total soulève une exception d’incompétence, jugeant que les faits objets du litige portent sur la gestion des sociétés commerciales et que, par conséquent, il revient au tribunal de commerce d’être compétent.
Le 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce. Le tribunal considère que les obligations découlant du devoir de vigilance participent directement au fonctionnement des sociétés, ce qui relève de la compétence du juge commercial. En effet, les dispositions sont écrites dans le Code de commerce et sont au cœur de la vie sociétale.
Le 10 décembre 2020, la Cour d’Appel de Versailles renvoie l’affaire devant les tribunaux de commerce. Elle estime que le tribunal de commerce est compétent car il existe un lien entre le plan de vigilance et la gestion des sociétés. Elle se fonde sur l’article L. 721-3 2° du code de commerce qui octroie la compétence au tribunal de commerce concernant les contestations relatives aux sociétés commerciales. De plus, elle considère que l’acte litigieux ne relève pas de la double qualification civile et commerciale et qu’ainsi les associations ne peuvent pas saisir les juridictions civiles.
Voir la décision: https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2020/12/decision-ca-versailles-total-ouganda.pdf