Fortement exposés aux effets du changement climatique, la Commune de Grande-Synthe et son maire, Damien Carême, ont demandé à l’État, en octobre 2018, que soient adoptées des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs provenant de l’Accord de Paris. La Commune de Grande-Synthe et son maire ont ensuite intenté un recours en annulation pour excès de pouvoir pour contester « les décisions de refus implicite nées du silence gardé pendant plus de deux mois sur ces demandes » du gouvernement devant le Conseil d’État le 23 janvier 2019. Les requérants se fondent sur l’article L.911-1 du Code de la justice administrative qui permet au juge de prescrire d’office des obligations pour prendre les mesures jugées nécessaires.
Les requérants considèrent que le plan du gouvernement n’est pas à la hauteur des actions nécessaires permettant de limiter le réchauffement climatique conformément aux objectifs de l’Accord de Paris. Ils justifient leur intérêt à agir en raison des conséquences du changement climatique qu’ils subiront personnellement. L’argumentaire des requérants s’appuie sur les obligations découlant de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) ainsi que sur l’Accord de Paris et son article 2 qui pose l’objectif d’une réduction des gaz à effet de serre limitant le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.
Le 19 novembre 2020, si le Conseil d’État juge la requête de la Commune et les demandes d’intervention des villes de Grenoble et Paris ainsi que de quatre associations de défense de l’environnement (Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous et la Fondation Nicolas Hulot) recevables, ce n’est pas le cas de l’action engagée par le maire. En effet, il constate que seule la Commune est exposée aux changements climatiques. Toutefois le juge considère que la demande d’annulation des décisions implicites de refus par le gouvernement n’est pas recevable lorsqu’elle concerne des actes législatifs, car cela porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. En revanche, il accepte d’examiner les demandes concernant le refus de prise de mesures réglementaires.
Eu égard aux dispositions de la CCNUCC et à l’Accord de Paris, le Conseil les juge dépourvues d’effet direct. Les particuliers ne peuvent donc pas s’en prévaloir. En revanche, il estime qu’il résulte de ces textes et des engagements pris par l’Union européenne, que l’État s’est engagé à lutter contre le changement climatique. Ainsi les objectifs climatiques de la France, définis par le gouvernement, sont contraignants. Il précise néanmoins que si les dispositions internationales sont dépourvues d’effet direct, elles doivent être prises en compte dans l’interprétation des dispositions du droit national et notamment dans leur mise en œuvre.
Le juge prend en compte, dans son examen, le décret sur les budgets carbones du 21 avril 2020 qui revoit à la baisse l’objectif de réduction des émissions sur la période 2019-2023. Il note que cela reporte l’essentiel de l’effort de réduction après 2020. En intégrant les objectifs à long terme de -40% par rapport à 1990 en 2030 et de la neutralité carbone en 2050 dans son évaluation, il constate le caractère peu crédible de la trajectoire fixée par le gouvernement pour les atteindre. En effet, le juge note que la réduction des émissions devra suivre un rythme jamais atteint.
Le Conseil d’État ordonne un supplément d’instruction car il juge qu’il ne dispose pas des éléments nécessaires pour décider si le refus de prendre des mesures supplémentaires est compatible avec la trajectoire. Il donne trois mois à l’État pour démontrer que la trajectoire annoncée permet de respecter ses engagements.